par Loïc DENIS
Docteur en Droit. H.D.R.
Il est important, avant de parcourir ce dossier, de bien comprendre la différence entre tutelle et curatelle.
Loïc DENIS, Docteur en droit nous l'explique clairement : A la différence de la tutelle, mesure de représentation, la curatelle est une mesure assistance.
Alors que la tutelle crée une incapacité totale, le tuteur devant penser et agir en lieu et place de la personne protégée, la curatelle est un régime de liberté contrôlée. A condition que le majeur à protéger ait gardé un degré d'autonomie physique et psychologique suffisant, et qu'il ait également gardé les capacités et la volonté d'intervenir dans la gestion de ses affaires, la curatelle sera préférée à la tutelle.
La curatelle lui permettra seulement d'être conseillé ou contrôlé dans la gestion des actes importants de sa vie civile.
Contrairement à la tutelle, la curatelle ne prive pas le majeur protégé de ses droits civiques. Elle a aussi un aspect pédagogique, en favorisant l'évolution de la personne protégée, qui participe aux décisions importantes la concernant.
Dans le cadre de la curatelle, l'assistance du majeur s'effectue par le consentement du curateur en considération de l'intérêt de son protégé. Ce dernier est à conseiller et non pas représenté, à l'exception de la perception des revenus dans le cadre de la curatelle renforcée.
Le curateur ne peut engager le patrimoine du majeur, il ne fait qu'avaliser la volonté de son protégé.
Si le curateur lui refuse son assistance, la personne protégée peut obtenir l'autorisation du juge des tutelles. Par contre, le curateur ne peut pas passer outre la résistance du majeur protégé.
L'ouverture d'une curatelle nécessite en principe une double condition : la constatation par le juge de l'altération des facultés personnelles et la nécessité d'être assisté ou conseillé pour les actes de la vie civile.
La procédure d'ouverture et de clôture de la curatelle est identique à celle de la tutelle. Le juge des tutelles du domicile de la personne à protéger est compétent. Si la personne est hospitalisée pour une longue durée, ce qui semble être le cas, le juge du lieu d'hospitalisation est néanmoins compétent. L'incompétence territoriale n'est pas, de toute façon, une cause de nullité des mesures prises.
Il peut être saisi par la personne elle-même, son conjoint (non séparé), ses ascendants, descendants, frères et soeurs, ministre public. Le juge a également la faculté de se saisir d'office, sur avis de proches, d'alliés, du médecin traitant. La curatelle, comme la tutelle, concerne le majeur, le mineur émancipé et le
mineur dans l'année précédant sa majorité pour une prise d'effet à ce dernier jour afin d'éviter toute rupture dans la protection.
La requête doit désigner la personne à protéger et les motivations de son placement sous la mesure demandée. Elle doit indiquer les proches parents et le nom du médecin traitant. La désignation du médecin référent facilitera les recherches. Un extrait d'acte de naissance sera utile pour connaître immédiatement les éventuelles
mentions au répertoire civil, ou les liens matrimoniaux éventuels.
La requête doit être accompagnée d'un certificat (et non une expertise) d'un médecin spécialiste figurant sur une liste établie par le procureur Bien souvent les proches auront eu un premier contact avec le greffe du tribunal d'instance qui remettra une liste des pièces à réunir pour l'instruction de la requête.
La requête est caduque si la décision statuant sur l'ouverture ou non de la procédure n'intervient pas dans l'année de son dépôt.
L'audience se déroule en chambre du conseil (non publique) pour éviter tout traumatisme qu'aurait une publicité trop large. Le juge peut entendre la personne elle-même ou son conseil.
L'avis du parquet doit être recueilli.
Le juge peut alors rejeter la requête, ou l'accepter, ou n'ouvrir qu'une mesure de curatelle au lieu d'une tutelle.
Le jugement est ensuite, en principe, notifié à la personne. Le juge peut se dispenser de cette formalité s'il estime que l'état de la personne le justifie. Le jugement est également notifié au conseil et aux personnes que le juge estime les plus aptes pour recevoir cette information (ascendants, descendants, conjoint, frère ou soeur). Il peut être notifié au mandataire spécial désigné au cours d'une sauvegarde de justice. Le jugement est transmis également au procureur pour information.
La protection est essentiellement familiale; elle ne devient l'affaire de l'Etat ou de la collectivité que lorsque la famille est défaillante.
Ainsi, la Cour de cassation exige que la décision soit motivée et censure ainsi la décision confiant la tutelle à un organe de gestion sans motivation. Il semble aussi qu'elle veuille que la solidarité familiale prime. Ainsi un tribunal doit énoncer en quoi la désignation d'un tiers comme tuteur ou curateur est commandée par l'intérêt de l'incapable.
A défaut, la décision doit être sanctionnée.
Des causes d'exclusion de plein droit, telles les condamnations à des peines afflictives ou infamantes (peines criminelles), ou facultatives, telles l'inconduite notoire, répétée et de notoriété publique, l'improbité par des actes déshonorants, la négligence habituelle ou une passivité compromettant la gestion, l'inaptitude aux affaires ont été prévues par la loi.
De même, lorsque la personne protégée est en conflit avec son représentant, celui-ci doit se récuser. Le conflit doit porter sur l'état de la personne ou une partie de son patrimoine.
La décision du juge des tutelles est susceptible de recours devant le tribunal de grande instance, dans le délai de 15 jours à compter du jugement ou à compter de la notification de celui-ci, à l'égard des personnes à qui le jugement doit être notifié.
Il doit se faire par lettre recommandée avec A.R.
Le recours est suspensif sauf si le jugement a ordonné l'exécution provisoire. Seule la personne objet de la requête peut exercer un recours contre la décision refusant d'ouvrir la mesure, puisqu'elle est présumée capable.
Lorsque le juge des tutelles s'est saisi d'office, sa décision de refus de prendre une mesure n'est pas susceptible d'être contestée par les enfants de la personne concernée. Il semble logique que celle-ci soit seule à pouvoir intenter un recours contre une décision qui est favorable à sa liberté.
Le recours contre la décision d'ouverture est ouvert à ceux qui avaient qualité pour la
demander, c'est-à-dire la personne elle-même, son conjoint si la communauté de vie existe, ses ascendants, descendants, frères et soeurs, curateur éventuellement, le ministre public, mais aussi aux amis, proches ou alliés.
Le jugement du tribunal de grande instance n'est pas susceptible d'appel. Seul le pourvoi en cassation est possible.
Vous pouvez compléter vos informations en consultant le site :
www.tutelles.justice.gouv.fr