La prévention des Violences Institutionnelles dans les établissements spécialisés
Les établissements spécialisés progressent d’années en années dans leur pratique vis-à-vis des personnes handicapées qu’ils accueillent. Les jeunes professionnels reçoivent une formation plus renforcée qu’il y a quelques années. L’ouverture de ces établissements vers l’extérieur a permis d’élaborer des réflexions qui étaient très peu abordées il y a quelque temps comme celles concernant la maltraitance et la violence institutionnelle.
Un établissement qui « avance » et qui progresse est un établissement qui ouvre ses portes aux autres professionnels pour mettre en étude leur pratique.
Les parents doivent y être associés. Les établissements qui tiennent à l’écart les familles sont voués à s’enfermer dans une pratique peu adaptée de nos jours. Ils s’enfermeront sur eux-mêmes au détriment des usagers.
Stanislas TOMKIEWICZ disait :
«Plus une structure est close, se renferme sur elle-même, qu’elle a une structure juridique la rendant plus étanche à l’extérieur, plus le risque est grand que se développe une violence institutionnelle ».
«J’appelle violence institutionnelle toute action commise dans ou par une institution, ou toute absence d’action, qui cause à l’enfant une souffrance physique ou psychologique inutile et/ou entrave son évolution ultérieure».
Dans le projet d’établissement doit figurer en clair la prévention de la maltraitance.
Cet objectif est nécessaire. Beaucoup d’établissements s’y appliquent en mettant en place un dispositif pour lutter contre la maltraitance.
Une MAS, un Foyer ne sont pas seulement des centres de soins, ce sont d’abord des lieux de vie, en quelque sorte la maison des résidents.
Chaque résident a un projet qui comprend un volet médical élaboré selon les soins qu’il requiert et un volet éducatif et social. Cette deuxième partie est relative à la vie de tous les jours, le quotidien. Elle est l’élément essentiel du projet de vie.
Les personnels qui travaillent au quotidien, plus particulièrement les AMP et les Aides soignants, ont une importance considérable dans la vie des usagers. Leur travail revêt une importance capitale car il intervient au plus près de l’usager, comme celui , sensible, du domaine du corps. Nous prenons cet exemple car les soins du corps sont dans l’intimité profonde du résident où se mêlent des données sensibles de relations avec eux.
Bien sûr, leur travail ne se limite pas uniquement à la toilette mais cette partie est fondamentale dans le bien-être du résident, non pas uniquement pour que ce dernier soit propre mais aussi parce qu’elle est le moment d’intimité intense devant la vulnérabilité et fragilité des résidents.
Ce n’est qu’un exemple de la relation professionnels usagers qui peut créer, sur la durée, une usure, un non-renouveau dans la pratique de ces actes quotidiens engendrant ainsi une habitude un peu stéréotypée qui devient mécanique. Cela entraînant ainsi une négligence du souhait et des attentes de la personne handicapée.
L’idéal serait évidemment une réunion mensuelle voire hebdomadaire sur ce thème réunissant tous les salariés et permettant, au-delà des clivages hiérarchiques, une analyse et une remise en cause, dans le bon sens de l’expression, de la pratique de chacun.
Le mouvement et le changement empêcheront les habitudes et la routine de s’installer et permettront ainsi d’éviter d’effectuer des gestes élaborés par pur automatisme, sans qu’intervient le côté humain et psychologique, nécessaire à toute relation aussi étroite.
Certains établissements ayant plusieurs unités favorisent la permutation des équipes et leur mélange même si cela est dérangeant.
Notre propos n’est pas de dire que tous les établissements rencontrent des problèmes de violences institutionnelles. Bien au contraire, beaucoup d’établissements spécialisés fonctionnent bien. Enfin, n’oublions pas que la grande majorité des problèmes de maltraitance ont lieu dans le cercle de la Famille.
Au risque de répéter (mais nécessaire) le même « refrain », l’ouverture sur le monde extérieur, la prise en compte effective du savoir des parents, différent de celui des professionnels et les enquêtes de satisfaction (ou non) permettront une diminution de la violence institutionnelle. «Le «tout institué» conduit très souvent sur le chemin de la violence institutionnelle
On pourrait penser que tous les établissements raisonnent ainsi, et si on leur pose la question, ils diront que c’est évident comme démarche, et que cette démarche est pratiquée chez eux.
On aimerait toujours le croire !
Chaque établissement spécialisé n’a pas forcément les mêmes repères et éléments de référence sur ce qui fait violence institutionnelle. Les pratiques peuvent être analysées en s’inspirant de la classification des différentes formes de maltraitance opérée en 1992 par le Conseil de l’Europe :
- violences physiques : coups, brûlures, ligotages, soins brusques sans information ou préparation, non-satisfaction des demandes pour des besoins physiologiques, violences sexuelles, meurtres (dont euthanasie)…;
- violences psychiques ou morales :
langage irrespectueux ou dévalorisant, absence de considération, chantages, abus d’autorité, comportements d’infantilisation, non-respect de l’intimité, injonctions paradoxales…;
- violences matérielles et financières
: Vols, exigence de pourboires, escroqueries diverses, locaux inadaptés…;
- violences médicales ou médicamenteuses
: manque de soins de base, non-information sur les traitements ou les soins, abus de traitements sédatifs ou neuroleptiques, défaut de soins de rééducation, non-prise en compte de la douleur…;- négligences actives : toutes formes de sévices, abus, abandons, manquements pratiqués avec la conscience de nuire;- négligences passives : négligences relevant de l’ignorance, de l’inattention de l’entourage;- privation ou violation de droits : limitation de la liberté de la personne, privation de l’exercice des droits civiques, d’une pratique religieuse…la contradiction entre le projet d’établissement ou de service et le projet individuel de la personne accueillie.