Pour Axelle Rousseau, coordinatrice du Collectif handicaps, le budget en cours de discussion au Parlement est « l’un des plus rudes de ces dernières années ».
Actuellement en discussion au Parlement, le projet de loi de finances (PLF) et le plan de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) prévoient des économies drastiques pour réduire les déficits. Si elles sont adoptées, plusieurs mesures entraîneront une baisse des revenus des personnes handicapées et une hausse de leurs dépenses de santé.
L’effet cumulé de plusieurs mesures disséminées dans le projet de loi de finances (PLF) et le plan de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) plus qu’une ou deux mesures en elles-mêmes… Voilà ce qui, si elles sont votées par le Parlement d’ici le 31 décembre, pourrait compliquer le quotidien des personnes en situation de handicap l’an prochain.
« C’est l’un des budgets les plus rudes de ces dernières années, considère Axelle Rousseau, coordinatrice du Collectif handicaps. D’habitude, il y a bien une ou deux mesures qui nous semblent mauvaises mais on trouve aussi des améliorations sur d’autres points. Là, peu de signaux se révèlent positifs. » Un avis que partage Carole Saleres, conseillère nationale emploi, travail, formation et ressources d’APF France handicap. « C’est la première fois que les personnes handicapées vont être touchées de façon aussi flagrante. »
Coups de canif dans les ressources
D’abord au portefeuille. En effet, leurs revenus et ressources seront impactés si le Parlement vote la proposition du Gouvernement d’une « année blanche ». Autrement dit, si un gel des prestations sociales, comme l’AAH, le RSA, l’Allocation d’éducation des élèves handicapés, l’allocation supplémentaire d’invalidité… se confirme.
De plus, l’AAH ne bénéficierait plus de l’abattement de 59,85 % qui lui est accordé depuis 2016 pour le calcul de la prime d’activité. Elle serait donc prise en compte en totalité, en plus des revenus du travail, pour déterminer le montant de cette prime versée aux personnes peu rémunérées. Mécaniquement, celle-ci baisserait.
Les plus touchées ?
Les personnes handicapées travaillant à temps partiel ou en Ésat qui pourraient ainsi perdre de 150 à 170 €/mois, selon Carole Saleres. De quoi, estime-t-elle, largement limiter l’incitation à travailler, en totale contradiction avec la volonté politique affichée de permettre aux personnes d’accéder davantage à l’emploi.
La santé plus chère
Gagner moins, donc, mais dépenser plus. C’est le second risque qui s’annonce, avec l’augmentation des dépenses de santé que prévoit le PLFSS. En particulier à cause du doublement des franchises médicales, passant de 50 € à 100 €/an, et leur extension aux soins dentaires et dispositifs médicaux.
Un autre point d’inquiétude se profile pour les malades en affection de longue durée (ALD). Leurs indemnités journalières pourraient être assujetties à l’impôt, prévoit le PLF. Une mesure qui conduirait, là encore, à la baisse de prestations sociales, comme l’AAH, fixées au regard de l’ensemble des revenus.
Par ailleurs, le PLFSS, lui, pourrait supprimer les affections de longue durée (ALD) exonérées. À savoir celles qui permettaient d’accéder à des arrêts de travail de plus de six mois et aux indemnités journalières ALD sans exonération du ticket modérateur. APF France handicap y décèle « un détricotage » du système des ALD. Et ce, alors même que France Assos santé évalue à plus de 1 500 €/an par personne les restes à charge invisibles en matière de dépenses de santé. Des dépenses non remboursées qui touchent particulièrement les personnes atteintes d’une ALD.
Menaces sur l’accès à l’emploi
Plusieurs coupes budgétaires risquent aussi de compliquer l’accès à l’emploi de celles et ceux qui en sont le plus éloignés. À commencer par la baisse des aides aux postes pour les entreprises adaptées (EA), à hauteur de 22,3 millions d’euros, avec pour conséquence possible la suppression de 3 000 postes.
Mais également une diminution du budget du dispositif Territoires zéro chômeur de longue durée, amputé de 12 millions d’euros par rapport à 2024, ou encore la perte de près de 40 millions d’euros de budget pour les Ésat. Difficile à comprendre alors que le taux de chômage remonte, celui des personnes handicapées restant toujours deux fois plus élevé que celui de la population générale.
Les associations sur tous les fronts
Pour tenter de peser sur le PLF et le PLFSS et éviter tous ces risques, les associations représentatives interpellent les cabinets ministériels, les parlementaires… « Nous œuvrons à donner de la visibilité à ces sujets, et montons aussi des alliances pour porter une parole commune, comme avec le Pacte du pouvoir de vivre, ou l’Union nationale des entreprises adaptées », précise Carole Saleres.
Une stratégie multiforme qui se déploie dans un contexte où fleurissent les incertitudes politiques. Difficile donc de prédire le sort de ces projets de budget. Ce qui est certain, en revanche, c’est que ces économies de court-terme risquent de précariser des populations déjà fragiles.
Emma Lepic